3h30, mon cerveau échappe à ce pourquoi il est programmé, il se connecte subitement à la réalité ; depuis l'opération, il refuse de se laisser prendre au jeu de la délectation perverse des rêves inconscients. Mon corps se scinde en deux au niveau du sexe, comme si mes jambes voulaient quitter mon coeur. Avant, lorsque cela m'arrivait, somnambule, je baisais, je m'empalais sur la queue de mon amant endormi, et frottais mon clitoris sur son ventre. Sa queue dans le mien, dure et immobile, son cerveau ailleurs, dans un ego trip qui maintenait l'engin toujours raide, j'étais possédée sans risque de possession. J'ai toujours préfèré les libertins, ou les apprenti-coquins, et plus encore, depuis que je ne suis plus amoureuse. Ceux là, pensais-je, à tort, n'iront jamais s'offusquer d'être objet de désir, plutôt que mari à retenir. Mais depuis que je suis ici, je n'en ai plus envie. Les amants de ce type, m'ont coûté trop d'énergie, je garde précieusement celle qui me reste pour mes enfants, et mon Art. J'essaie donc de les imaginer, et me frotte à mon matelas, impossible de jouir, sans me savoir humiliée, je renonce, ce type me dégoûte à jamais. Je sais que je ne dois pas avoir honte, ni culpabiliser, la merde dont m'ont rempli mes parents, puis ces amants, leurs erzatzs, est encore bien présente. Le seul moyen de la sortir est de vider encore et encore mon inconscient. Je dois cesser définitivement de m'en emplir, quitte à ne plus jamais baiser. Il faut que j'arrête de nourrir mon subconscient, que je pense à réévaluer ceux qui m'en redonneront l'aliment. J'ai ma petite idée, mais pas le temps. Je dois éviter ceux qui prônent la mort plus que la vie, je ne suis pas le sauveur, et encore moins la sorcière arachnide qui les arrangent bien pour se décharger de leurs horreurs, qu'ils les assument. Je me lève et dessine. Après deux années entières à bâtir le squelette idéal d'un livre autobiographique, je m'incline, il ne peut se faire en un seul tome. Le premier illustrera mon printemps, de l'enfance, aux "années Beaux Arts", juste avant le "pétage de plomb". Il sera l'annonce d'une épopée artistico féminine, l'amorce d'une bombe psycho sexuelle, l'introduction d'une histoire d'amour qui commence très mal. Le dernier "acte magique" a fonctionné, les pièces du puzzle jaillissent de ma mémoire comme des champignons après les pleurs et les rires. Je crains maintenant de ne plus avoir suffisamment de temps pour tout raconter, mais surtout pour achever. J'ai des morceaux de tout partout, à relier, et beaucoup de vide à combler dans cet énorme puzzle. Beaucoup de mes travaux de cette époque ont disparu, volés, détruits, abîmés, ou volatilisés dans le grand réseau virtuel. Je les remplacerai, d'une manière ou d'une autre. il est important que le schéma soit complet, seule la cohérence révèlera la vérité, et donc la lumière sur mon obscur passé. Je veux dédier ma vie à la vie, puisque j'ai réussi à la reconquérir, c'est pourquoi je dois me concentrer sur ma délivrance. Je n'ai plus le temps non plus de m'essayer techniquement à la peinture à l'oeuf, ou à l'huile, à la gravure, il me faudrait reprendre la technique à zéro à zéro. Le dessin numérique, la photographie sommaire, les performances improvisées, les collaborations artistiques me semblent justes, ils répondent aux paramètres temporels et financiers d'une artiste pauvre, d'une femme indécemment libre, d'une mère écartelée vive. A 5 mètres de mon lit encore humide de mes suées nocturnes, je m'attable, les ordinateurs ronronnent, et le stylet gratte fébrilement la table graphique. Les bruissements s'accordent aux sons sourds et souvent grinçants, hurlants, déments, de mes titres préférés. Je tripote mes machines, sabote mon cerveau. J'ai deux machines, l'une d'elle est connecté sur le Monde que je découvre, gràce notemment à l'affreux Facebook, dont je ne peux pas encore me passer, il me permet de connaitre ces gens qui se disent amis avec moi, il y en a encore beaucoup trop. La séance dure, jusqu'à l'épuisement. Avant de m'effondrer, je sors avec mes chiens. Dehors, il n'y a pas âme qui vive, je suis le seul rectangle jaune et lumineux de cette sombre toile urbaine. Ete 2017 Insomnie